Un pasteur vous répond

Jésus fait-il du favoritisme avec Jean? (Épisode 153)

HerméneutiqueVie et le ministère de ChristÉvangiles

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Publié le

04 janv. 2019

Jean se qualifie lui-même comme étant le "bien-aimé" de Jésus. Est-ce par orgueil? Jésus avait-il réellement un préféré? Florent Varak vous donne des éléments de réponses dans cet épisode.

Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.

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Transcription:

Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire.com. Nous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont mises à disposition mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. N’hésitez cependant pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Merci d’avance.

Jésus fait-il du favoritisme avec Jean?

Bonjour, que penser de la façon dont Jean s’autoproclame « disciple que Jésus aimait » alors qu’il est le seul auteur à faire référence à ce surnom, que ce titre paraît subjectif puisque c’est lui qui l’emploie, voire prétentieux car il paraît se placer au dessus des autres disciples, ce que Jésus désapprouvait.

Il faisait partie des trois plus proches de Jésus, au même titre que Pierre et Jacques, et il se permet des familiarités avec Jésus, en tout cas, à en croire son évangile, quand il se couche sur le sein de Jésus en Jean 13.23, et deux versets plus loin quand il se penche sur la poitrine de Jésus pour lui parler.

Mais cela illustre la bienveillance de Jésus qui ne le repousse pas, quand il se permet ces familiarités; mais ce serait plutôt le comportement inverse qui montrerait que Jean est le disciple qu’il affectionne particulièrement.

D’ailleurs que veut dire: « Disciple que Jésus aimait »? Les dix pouvaient y prétendre? Seulement Jacques, Jean et Pierre? Y a-t-il une notion de comparatif: que Jésus aimait » plus que « les autres?

Merci d’avance si ce sujet peut être traité. »

Alors effectivement c’est une question intéressante, et puis qui touche un peu à notre société et pensée française, très égalitarienne, où il est hors de question qu’il y ait le moindre privilège envers quiconque…alors je le dis avec un peu d’ironie, mais c’est un petit peu ce qui est sous-jacent à la question que tu poses.

L’expression se trouve à plusieurs reprises dans les 2 derniers chapitres de l’Évangile de Jean notamment, mais dès Jean 13.23, un de ses disciples, celui que Jésus aimait, était couché à table près de Jésus.

Elle courut trouver Simon Pierre et l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit: « On a enlevé du tombeau le Seigneur et nous ne savons pas où on l’a mis. » – Jean 20.2

Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre « C’est le Seigneur! » Dès que Pierre entendit que c’était le Seigneur, il remit son vêtement car il était nu et il se jeta dans la mer. – Jean 21.7

Pierre se retourna et vit venir à leur suite le disciple que Jésus aimait, celui qui pendant le souper s’était penché sur la poitrine de Jésus et avait dit: « Seigneur, qui est celui qui te livre? – Jean 21.20

Alors juste une petite remarque sur le fait de se pencher sur la poitrine de Jésus ou non, est-ce que c’est une familiarité?

En fait, il faut plutôt se représenter les repas non pas autour d’une table, assis sur des chaises comme nous avons l’habitude de le faire, mais plutôt allongés, les gens étaient en épis autour d’une table basse, et quand il s’est penché sur sa poitrine ça n’est pas un geste de familiarité particulière, c’est juste qu’il était dans la situation où il était proche de Jésus, et il s’est incliné pour lui parler discrètement. Je ne pense pas qu’il faille aller trop loin dans la considération de ce qui se fait. Alors cette description cryptique a fait l’objet de débats contemporains, et je voulais les souligner avant de rentrer dans le propre de la question.

Plusieurs auteurs issus de la critique libérale, c’est -à-dire ceux qui ne croient pas à l’autorité de l’Écriture, qui ne croient pas à son inspiration, c’est-à-dire qu’elle a été inspirée par le Saint-Esprit, ont rejeté que Jean soit l’auteur du 4e évangile, et que de leur côté, ce serait une expression symbolique qui évoquerait la communauté johannique, c’est-à-dire la communauté postérieure à l’apôtre Jean, mais qui se rattacherait de cœur et de principe de vie à l’apôtre Jean, et qui aurait travaillé à un ensemble de traditions orales pour constituer un 4e évangile assez différent des 3 autres que l’on appelle « synoptiques » parce qu’ils regardent la vie de Jésus de manière similaire et identique.

Donc -c’est pas ta question mais je voudrais rejeter assez catégoriquement cette origine de l’Évangile qui rendrait l’auteur de l’Évangile « non apostolique ». Parce que comme sa rédaction serait une construction non sanctionnée par les apôtres, alors on a le problème de cette promesse qui est faite aux apôtres qu’ils se souviendraient des propos de Jésus, et là nous n’aurions pas des gens qui auraient enquêté comme Luc auprès des apôtres, sanctionnés par les apôtres, ou bien qui auraient écrit sous le contrôle d’un apôtre comme Marc qui était le secrétaire de Pierre… Nous aurions un électron libre dans ce 4e évangile. Alors je crois qu’il faut rejeter ça. Il y a des interprétations un peu frauduleuses qui ont été proposées, par exemple il y en a qui ont vu la course entre Pierre et Jean vers le tombeau comme la course de l’église juive représentée par Pierre, supplantée par l’église des païens représentée par Jean. Alors il faut vraiment avoir une vue allégorique des choses pour aller dans cette direction.

Il faut plutôt considérer l’église primitive qui était proche de ces moments-là, que Jean était beaucoup plus jeune donc il courait plus vite, et que Pierre était plus âgé et il courait plus lentement.

Bref, si je le dis c’est parce que moi-même j’ai eu un cours sur l’Évangile de Jean dans une fac de théologie, et c’était vraiment quelque chose d’important de croire-pour le professeur- que l’évangile n’avait pas été écrit par Jean, mais par la communauté johannique-ce que je conteste! Le commentaire de Carson à ce sujet est remarquable, tu y trouveras tous les arguments qui permettent de considérer…de toute façon par illumination c’est assez simple, on arrive à l’apôtre Jean comme auteur de l’Évangile de Jean, et donc le propos qui est tenu, « le disciple que Jésus aimait », vraiment reflète bien cette réalité que c’est Jean qui signe son évangile.

Alors ceci étant posé, considérons justement ce propos: est ce que c’est orgueilleux quand il se présente ainsi? Ou est-ce qu’en le pensant, tu révèles plutôt ce que j’ai dit en début de podcast, c’est-à-dire une pensée très égalitarienne bien française, où toute disparité de relation serait une forme de discrimination, voire de répression, en tout cas d’orgueil.

Est-ce que le Dieu incarné est tenu d’aimer tout le monde avec la même intensité, la même amitié, et est-ce que s’il aime quelqu’un de manière particulière, est-ce qu’il nous prive d’un amour particulier, et est-ce que ça doit susciter un peu de jalousie? Où doit-on retrouver dans Jean ce trait de caractère que tu lui distinguerais, un brin fanfaron, un petit peu opposé justement à l’humilité qui sied à des disciples qui ne doivent pas se présenter comme étant supérieurs à d’autres?

Alors en regardant l’évangile de Carson, je te livre aussi ce qu’il en dit; je m’excuse c’est une traduction personnelle de son évangile tel qu’il est dans Logos, logiciel biblique; je suis en effet en ce moment à N’Djamena -d’ailleurs tu entends peut-être des bruits ambiants, c’est tôt le matin; et je n’ai pas emporté avec moi mon commentaire français publié chez Excelsis de Carson. Voilà, alors, ce qu’il dit:

Si nous nous demandons pourquoi le disciple bien-aimé a choisi cette forme d’anonymat, 2 réponses sont possibles à la lumière des accents donnés par le 4e évangile. Comme le disciple bien-aimé, cette auto-désignation implique non l’arrogance (comme pour dire: « Je suis plus aimé que les autres ») mais un sens profond d’être redevable de la grâce (« quel émerveillement – je suis aimé par la Parole incarnée »). Ainsi, le silence quant à l’identité de ce disciple bien-aimé pourrait être un moyen discret de refuser de donner même l’impression de partager la scène avec Jésus. Tout comme l’autre Jean au tout début de l’Évangile, le premier témoin de Jésus, il n’est qu’une voix. L’identité de l’orateur n’importe pas, ce qui compte c’est le témoignage qu’il donne. En même temps, l’auteur propose ainsi un modèle pour ses lecteurs: devenir un chrétien signifie une relation transformée avec Jésus-Christ en sorte qu’il en reçoive la gloire.

Alors je voudrais ajouter, aux propos que tient Carson, 2 perspectives supplémentaires, qui j’espère éclaireront davantage cela.

Jean écrit à la fin du premier siècle à un moment où plusieurs gros problèmes doctrinaux ont commencé à faire surface, et qui menacent en fait l’Église. Alors la menace n’est pas encore très forte, l’Église est encore solidement ancrée dans les propos apostoliques, mais le gnosticisme, qui était un peu naissant au temps de l’apôtre Jean, est en train d’influencer un certain nombre de personnes, et l’enseignement de Jean et des autres apôtres est contesté, comme d’ailleurs la tradition des premiers leaders de l’Église chrétienne; en sorte qu’une inscription consignée en ces termes permet aux lecteurs de réaliser qu’ils sont devant les écrits d’un intime, de quelqu’un qui est fiable.

Si moi je parle de Napoléon, c’est pas très fiable, je ne l’ai jamais rencontré, je ne le connais pas, je ne connais pas trop sa vie, si ce n’est quelques articles de Wikipédia, ça ne va pas très loin. Mais par contre si c’est quelqu’un qui le connaît et qui en parle ainsi, il est soudainement beaucoup plus fiable si c’est un ami de Napoléon qui évoque sa vie, ça devient très intéressant, comme quand on lit ce que Farel a pu dire de Calvin, c’est beaucoup plus parlant parce que Farel était un intime de Calvin.

2e perspective: Jésus explique ce que ça veut dire d’être un ami, ou son ami:

Voici mon commandement, nous dit Jésus, aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi je vous ai choisis, je vous ai établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, pour que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. – Jean 15.12-17

Ce qui est remarquable ici, c’est la qualification, l’explication de ce que ça veut dire d’être ami de Jésus. Verset 14: il sait ce que le Maître fait. Note bien, c’est fondamental: il sait ce que Jésus commande, il sait ce que son Maître fait. Obéissance et connaissance intime, voilà ce que veut dire être aimé de Jésus, être le proche de Jésus.

Et il semble que Jean ait excellé dans ces 2 aspects, et en cela il est le modèle de ceux qui veulent marcher dans l’intimité de Jésus. Non pas une personne arrogante qui se vante de cette situation, mais une personne qui veut nous entraîner dans cette intimité et dans cette obéissance à Jésus-Christ, nous sommes invités à marcher derrière l’apôtre Jean, à l’imiter en ce sens.

Un disciple de Christ voudra connaître intimement Christ, voudra le suivre, lui obéir de la façon la plus proche, non pas par contrainte, non pas pour obtenir, mais simplement par amour, parce que lui a tout donné, il nous a donné sa vie pour nous entraîner à sa suite. La réponse que nous pouvons lui faire, c’est de donner nos cœurs et nos vies. Alors peut-être qu’au ciel Jésus dira de celui-ci ou de celui-là: Voilà vraiment un disciple qui m’a été particulièrement cher parce qu’il a cherché cette intimité, parce qu’il a cherché cette obéissance, parfois à grand prix, mais ça ne veut pas dire qu’il y a moins d’amour pour d’autres, ça ne veut pas dire que (et ce sera l’encouragement de ceux qui se seront employés à développer cette obéissance et cette intimité) de savoir qu’il y a un rapport plus particulier et plus proche… d’ailleurs les bien-aimés de Dieu, si mes souvenirs sont bons (c’est à vérifier, je le dis de façon spontanée) sont au nombre de 4 dans l’ensemble de la Bible.

Je crois qu’il y a Abraham, Daniel, et quelques autres… donc c’est pas… ça fait partie de ces hommes qui ont peut-être marqué plus particulièrement le chemin de la rédemption; ça ne veut pas dire qu’ils étaient parfaits, il n’y a qu’un seul être parfait dans la Bible: c’est Jésus, c’est le seul héros. Dans toute l’Écriture c’est lui le centre, le focal, le point focal de notre attention. Mais en même temps, voilà, il y a un rapport qui parfois est particulier, qui s’établit avec les uns et les autres et qui devient modèle à imiter.

C’est d’ailleurs intéressant que quand Jésus a cheminé sur terre, quand le Fils de Dieu s’est incarné, il a développé des relations de qualités diverses. Il y a bien sûr la foule, mais peut-on parler de qualités dans sa relation avec la foule? Il a pris soin d’elle, il l’a enseignée, il l’a nourrie, mais parler d’une intimité avec la foule ce serait un petit peu… ça ne voudrait pas dire grand-chose.

Il y a ce jeune homme riche que Jésus aime de façon particulière au sein de cette foule. Et il n’est pas dit cela des autres individus. Et puis il y a les soixante-dix qu’il envoie en mission, il y a une relation particulière avec ces soixante-dix. Et bien sûr les douze qu’il prend avec lui, et puis comme tu l’as souligné, les trois: Pierre, Jacques et Jean, qui sont les témoins privilégiés des grands événements de la vie de Jésus.

Pourquoi eux? Je ne sais pas. Peut-être pour nous rappeler que toute œuvre de Dieu se structure et qu’il y a ici et là des hommes, des femmes qui sont appelés à certaines responsabilités au sein d’un groupe, et ça ne veut pas dire que les autres sont en dessous de quoi que ce soit, ça veut dire qu’il y a des responsabilités particulières.

Et puis il y a aussi Lazare, dont les sœurs disent à Jésus: « Voici, celui que tu aimes est malade ». Manifestement, il y avait une proximité affective, une relation de proximité, entre Jésus et Lazare. Moi je trouve que c’est un bel exemple humain. La Bible nous demande d’aimer nos ennemis, mais je vais aimer mes ennemis de façon différente qu’ aimer mes proches. Il y a une intimité particulière avec des amis avec qui je partage plus d’affinités.

Le type d’amour que je veux avoir envers mes ennemis n’est pas le même que le type d’amour que je vais avoir envers mes proches amis, sans parler bien sûr des relations les plus proches que nous pouvons avoir avec notre conjoint, avec nos enfants… donc l’amour est un terme générique qui couvre un ensemble de comportements, de relations qui doit être qualifié…On ne peut pas tout mettre dans le même sac, et je trouve admirable que Jésus, Dieu et Fils incarné, ait cultivé des relations particulières avec certaines personnes, de relations proches, et en cela il est un exemple, un modèle que… eh bien, nous pouvons et devrions probablement développer des relations proches, amicales avec des hommes, des femmes avec qui nous partageons des points d’affinité particuliers, que nous ne partageons pas avec d’autres.

Dans le cas de Jésus, je pense que cela va beaucoup plus loin, et dans le cas de Jean, cela va bien plus loin parce que, comme nous l’avons noté, il y a quelque chose de particulier; comme Carson le dit, c’est un témoin qui invite à regarder à Jésus comme étant source fiable, mais c’est aussi celui qui a particulièrement compris le cœur de Dieu, la personne de Dieu, et en cela il devient un exemple pour nous.

Alors je termine en espérant que pour chacun d’entre nous, il y a un désir d’intimité avec Jésus, il y a aussi cette volonté de le suivre, de lui obéir, et que du ciel, Jésus a un grand sourire, en disant: « Ah, avec tous ceux et toutes celles qui m’aiment, c’est vraiment un disciple que j’aime ».