Un pasteur vous répond

Adam et Eve: ont-ils réellement existé? (Épisode 99)

Doctrine de l'ÉcritureHerméneutiqueDoctrine de la création

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Publié le

17 nov. 2017

Dans l'épisode 99, Florent Varak est accompagné de notre frère Guillaume Bourin, du site LeBonCombat.fr. Ils abordent ensemble le consensus scientifique sur l'évolution, puis le consensus chrétien sur la création.

Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.

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Si tu as une question adressée à Florent Varak, commence par consulter la liste des podcasts existants ici et si le sujet n’a pas encore été traité, tu peux poser ta question à l’adresse: contact@toutpoursagloire.com.

Transcription:

« Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire.com. Nous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont une aide mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. Cependant, n’hésitez pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Merci d’avance. »

Florent (F) : La question est posée: « Qu’en est-il d’Adam et Eve ? » Je reçois sur TPSG un certain nombre de questions sur l’historicité d’Adam et Eve, et bien sûr c’est une question hyper complexe. Et je suis accompagné d’un expert et d’un ami: Guillaume Bourin, du site LeBonCombat.fr, bonjour Guillaume.

Guillaume (G) : Bonjour, bonjour. Super expert, ça va être extraordinaire, je le sens !

F : Je me décharge un peu du poids de ces podcasts.

G : Merci beaucoup Florent, ça fait plaisir.

F : On a décidé d’aborder la question sous différents angles, et on est très conscients que c’est un sujet polémique. On ne voudrait pas l’aborder de façon polémique, mais plutôt irénique, et aussi aborder une perspective qui n’est peut-être pas majoritaire, mais qui permettra de donner un avis complémentaire à ce qui circule aujourd’hui dans le monde évangélique.

G : Absolument, puis on est partis pour une série de … On est sur 5 ou 6 podcasts au jour d’aujourd’hui.

On est en train de voir un petit peu comment on va finaliser tout ça. Mais on va essayer de commencer aujourd’hui en essayant de balayer un large spectre de positions. Parce qu’il faut le dire, c’est quand même une question qui a suscité moults débats depuis des générations maintenant.

F : Tout à fait.

G : Ça a été très “divisif” dans le passé, ça l’est moins aujourd’hui, ça reste quand même un sujet de clivage, je pense qu’on peut le dire. Néanmoins, je pense que ce serait bien qu’on commence, Florent, avec l’idée du consensus actuel. Peut-être commencer par le consensus scientifique, et puis regarder un petit peu ce qui se passe dans notre monde plus restreint du christianisme. Je sais que tu as fait quelques recherches là-dessus. On en est où avec le consensus scientifique actuel ?

F : Je voudrais vraiment préciser dès le départ, et on le répètera souvent, que je ne suis pas scientifique, ni toi d’ailleurs.

G : Bien sûr.

F : Donc on n’aura pas un avis scientifique mais quand on …

G : On peut dire ce qui se passe dans le monde scientifique sans vouloir justifier les théories scientifiques, bien entendu.

F : Exactement. Donc si j’en crois ce que Lydia Jaeger, dans l’ouvrage qu’elle dirige : « Adam, qui es-tu ? », si j’en crois également ce que « Four views on the Historical Adam », publié en 2013, dit, grosso modo, si j’ai les bonnes informations, le consensus scientifique actuel dit approximativement ceci : l’homme est le fruit d’une évolution progressive, de forme animale inférieure. Il y aurait une dissociation entre les singes et les hommes, qui aurait eu lieu il y a 5 à 6 millions d’années, et puis l’apparition de l’homme, forcément progressive selon ce schéma, aurait eu lieu il y a environ 200 000 ans. Et le consensus s’oriente également plus précisément sur l’idée que l’homme proviendrait, non pas d’un couple, mais d’un troupeau d’hominidés d’une dizaine de milliers d’individus, plutôt que d’un couple particulier.

G : Voilà, avec la notion d’hominidé qui est quand même assez fluctuante en fonction des spécialistes ; ça dépend si c’est des super-singes ou des hommes inférieurs. On a vraiment du mal parfois à saisir la différence entre un hominidé et un homme, en fait.

F : Et en plus j’ai lu, parce que j’ai lu énormément pour les préparations de cette série pendant l’été, et je me suis aussi intéressé aux créationnistes les plus durs, et la réflexion des paléontologues est quand même tout autant partisane d’un côté comme de l’autre. Et, effectivement la question n’est pas si facile que ça.

G : Non, c’est dur, c’est dur. Alors c’est vraiment un consensus, ou pas, du coup ?

F : Il faut réaliser quand même l’instabilité de ce consensus.

Il y a tout juste quelques mois, c’était le 7 juin 2017, on a donné les résultats d’une étude menée sur des ossements découverts dans le Nord Est du Maroc. Et le paléontologue Jean-Jacques Hublin, annonce que finalement, l’origine humaine date de 300 000 ans avant Jésus-Christ.

G : Donc en fait, on a toujours des nouvelles découvertes, et on s’aperçoit que le consensus se fait et se défait en fonction des découvertes plus ou moins récentes, quoi.

F : Oui, et c’est ça qui est intéressant à observer ; je n’ai pas le sentiment qu’on est sur une situation de stabilité parce que, quand on passe de – 200 000 à – 300 000, c’est quand même une augmentation significative dans le temps. Et finalement le spectre des possibles, au gré des lectures – je les ai rassemblées – a entre l’émergence humaine à – 100 000 et à – 500 000. Donc Lydia Jaeger parle de – 100 000 mais là on est dans des …

G : Oui voilà, c’est la fourchette la plus optimiste, limite pour les scientifiques, j’ai l’impression.

F : Voilà. Donc ça c’est le consensus scientifique actuel, indépendamment de toute référence au christianisme.

G : Ok, alors maintenant, si on en vient dans le milieu chrétien, si même on devait se focaliser sur le milieu évangélique lui-même, donc les biblistes, les chrétiens attachés à la Bible, et on va dire éventuellement à une certaine forme de révélation dans la Bible, là on arriverait quand même à des gens qui croient que la Bible au moins contient la Parole de Dieu si ce n’est la Parole de Dieu elle-même …

F : Là, tu veux dire : y compris les libéraux.

G : Y compris des libéraux modérés, voilà. Il y a des gens qui sont extrêmement critiques, qui rejettent toute inspiration divine, ou d’autres comme tu vois, un peu les bartiens, qui vont y voir une certaine forme de parole de Dieu. Je pense à quelqu’un qui disait récemment : la Bible n’est pas la Parole de Dieu, mais elle contient les paroles de Dieu. Donc tu vois, la subtilité est suffisante pour intégrer …

F : Oui, ça me fait penser à une publicité qu’il y avait il y a quelques années, qui m’avait mis un peu hors de moi : sous la Bible, la Parole de Dieu. C’était un peu cette idée.

G : Oui, voilà. Nous, bien sûr, en tant que podcasteurs, on croit à l’inhérence de la Bible, on croit que la Bible est intégralement la Parole de Dieu. Néanmoins, on va ouvrir un petit peu, là, pour les besoins de ce podcast. Du coup, quel est le consensus actuel dans le christianisme, si tant est qu’il y a un consensus, Florent ?

F : Il n’y a plus de consensus actuel au sein du christianisme évangélique, et je voudrais aussi évidemment insérer cette notion pour quelqu’un qui a une référence à la Bible; il faut intégrer la notion de Genèse 2 et 3 notamment, avec un couple, Adam et Eve, et ce qu’ils représentent. Les gens postulent ou imaginent une sorte d’émergence d’un homme spirituel vers les 6 à 10 000 ans avant Jésus-Christ.

Donc on est dans quelque chose où on essaie de faire tenir Adam et Eve quelque part dans l’histoire. Mais on reviendra sur ces options ; je voudrais juste les citer rapidement. Il y a parmi ceux qui sont les plus libéraux, c’est-à-dire les moins attachés au récit biblique : on considère qu’Adam et Eve sont des caractères mythiques ou plutôt emblématiques. Peter Hans par exemple : il parle d’un représentant mythique de la race humaine.

G : On peut dire par là que c’est quelqu’un qui n’aurait pas existé, on est bien d’accord.

F : Non, voilà. Adam et Eve n’ont pas existé. C’est un peu l’approche de Denis Lamoureux, qui est prof de science et de religion, dans son livre « Evolutionary creation : a christian approach to evolution » …

G :Denis Lamoureux, pour rappel, c’est ce personnage qui est systématiquement traduit et mentionné sur le blog Science et Foi. Je pense qu’on reparlera de ce blog à plusieurs reprises dans notre série de podcasts.

F : D’accord, ça j’ignorais, j’ignorais qu’il était très lié à cela.

G : Alors, lié, je ne sais pas mais en tout cas, il est traduit régulièrement par ces personnes de Science et foi, effectivement.

F : D’accord. En tout cas pour cet homme, l’idée d’un premier couple historique ne tient plus face à l’avancée des sciences. Les débuts de Genèse forment une histoire pleine de sens, c’est tout. Les humains proviennent d’un ancêtre commun au chimpanzé il y 6 millions d’années. L’humanité est née d’un troupeau d’hominidés et il ne faut pas tenter la réconciliation entre la science et la Genèse.

G : Ca serait être concordiste, ça serait être une erreur.

F : C’est ça, le concordisme serait une erreur. Il faut juste tirer du sens moral, théologique de cette histoire, mais c’est tout. Donc ça c’est la première option.

G : Ok.

F : Deuxième option, c’est un caractère archétypal ou représentatif. John Walton qui est professeur à Wheaton, donc professeur d’Ancien Testament, considère qu’Adam était un archétype de la race humaine et que c’est sa fonction essentielle. Il concède qu’un Adam historique est possible, mais c’est franchement secondaire, que ça n’a pas vraiment de sens pour nous ; c’est sa fonction qui compte. Adam ne serait donc pas le premier homme, mais le premier homme à assurer une fonction que Dieu ambitionnait pour lui. Je crois, mais c’est moi qui fais le lien, que c’est un peu l’idée de l’homo-spiritualus. C’est-à-dire qu’à un moment donné, l’homme devient conscient de sa spiritualité, soit par révélation, soit par conscientisation …

G : Prise de conscience, oui.

F : Voilà, et il devient premier représentant de la race humaine. Ce sont des parents représentatifs, Adam et Eve, rien de plus.

G : Oui.

F : Et puis il y a une troisième option, c’est d’y voir un caractère historique lointain et un brin flou. C’est un Adam …

G : Oui, c’est le label qu’ils s’accordent eux-mêmes, n’est-ce pas : je suis flou, voilà. Un Adam historique, donc ?

F : D’accord. C. John Collins, professeur d’Ancien Testament à Covenant …

G : Spécialiste de la littérature du second temple, au passage.

F : Ah oui, ok, d’accord. « Did Adam and Eve really exist ? », c’est l’auteur de ce livre : il maintient un premier couple historique, Adam et Eve, mais qui ils étaient réellement, et où ils vivaient, n’aurait évidemment aucune conséquence sur la vie chrétienne.

Pour Collins, il est même possible qu’Adam et Eve n’étaient pas les seuls humains présents au moment de leur création. Donc, on est quand même dans des situations qui sont assez distantes de la lecture directe, un peu, du livre de la Genèse. Ce sont des constructions qui sont nécessaires à partir du moment où on concède que la science actuelle a dit son dernier mot et qu’il faut donc maintenant comprendre ce que le texte dit différemment.

G : Voilà. Mais on voit quand même une progression en intensité de la possibilité, voire de la probabilité de l’existence d’un Adam historique et de sa fonction et de son rôle dans l’histoire de la rédemption ; si tant est que l’histoire et l’histoire de la rédemption soit liées entre elles.

F : Oui, c’est ça. Et on arrive à la quatrième option, et là dans le livre « Four views », c’est William Barrick, qui est professeur d’Ancien Testament à Master’s, qui était également mon prof d’exégèse, et donc ça te dit un peu dans quel moule j’ai été formé. C’est un créationniste et littéraliste. Il emmène pas mal d’étudiants faire de la géologie au Grand Canyon et puis il est assez féru de ces questions. Pour lui bien sûr, Adam et Eve sont des personnages historiques, créés il n’y a que quelques milliers d’années ; c’est une position ultra, ultra minoritaire en France, ça c’est certain. Et puis aux Etats-Unis, c’est une position très minoritaire, mais qui est en train d’être remise au goût du jour parce que certaines études aujourd’hui ne sont pas aussi favorables aux  thèses précédentes.

G : D’accord, ok, très bien. Alors, on a ces 4 approches, celle du caractère mythique ou emblématique, celle où Adam serait un archétype ou un représentant de la race humaine, cette position historique de Sijean Collins qui est un brin floue, et puis on a l’approche conservatrice, j’allais même dire traditionnelle, parce que ça a été l’approche avant le Siècle des Lumières qui était la grande approche majoritaire ; celle d’un caractère historique récent.

Alors du coup, qui sont les grands représentants, qui sont les ténors actuels dans le mouvement évangélique ?

F : Côté US, on retrouve de tout, et je ne saurais pas citer un peu les … Je suis moins connecté que toi sur les personnages importants du monde évangélique, mais je veux juste citer qqn comme Grudem, parce que c’est un poids lourd, quand même de la théologie systématique, qui récemment, finalement – je ne sais pas s’il a fait marche arrière, parce que je ne sais pas quelle était sa position auparavant – mais qui s’est mis à embrasser plus sérieusement et plus publiquement une vision assez littérale de l’existence d’Adam et Eve.

G : Oui, Grudem est très littéral, il est même assez remonté. Quand on avait traduit sur notre blog Le bon combat sa préface de, je sais plus quel est le titre … « Should christians embrace evolution ? » ; sa préface est courte mais elle est assez incisive, et on sent que c’est un sujet pour lui qui est parmi les plus primordiaux.

F : D’accord. Evidemment, il y a tous les auteurs conservateurs, un peu fondamentalistes, Al Mohler, MacArthur, tous ces gens, mais je viens d’entendre très récemment Timothy Keller, pour qui ce n’est vraiment pas un cheval de bataille ces questions, mais qui a quand même consenti qu’ au regard de la théologie biblique, un Adam et Eve historiques – alors ce qu’il met derrière je ne le connais pas, il est assez évasif sur cette question quand on lui en parle … Mais voilà pour le côté US.

G : Puis il a écrit … Enfin, ce qui est troublant avec Keller, c’est que normalement avec Gospel Coalition, il a une vision de l’Adam historique nécessaire. C’est-à-dire qui a un impact théologique sur le reste de la révélation. Mais il écrit sur un site la plupart de ses contributions en la matière sur BioLogos, qui est nettement plus ouvert, alors du coup, ça suscite question, souvent, en tout cas parmi les plus conservateurs.

F : C’est ça. En France, bien évidemment il y a des experts de la question qui ont plutôt accepté une vue non littérale. Je pense à des gens comme Lydia Jaeger, qui est à la fois théologienne et scientifique, et dans le livre « Adam, qui es-tu ? », lorsqu’elle parle des possibilités pour Adam et Eve, elle exclut a priori, et de façon régulière, l’idée d’un premier couple historique à l’origine de l’ensemble de la race humaine. C’est un goulot d’étranglement qu’elle ne considère comme pas possible.

G : Voilà. Elle croit à des personnages historiques, mais pas à des personnages historiques qui seraient placés au commencement de la création et qui seraient le couple originel créé par Dieu, en quelque sorte.

F : Oui, après c’est difficile de savoir exactement comment ça s’articule parce qu’elle est aussi consciente – et je crois qu’il faut remarquer qu’il y a de très bonnes choses dans ce livre, et d’autres choses un peu problématiques – mais elle est consciente, il n’y a aucun problème, aucune solution, pardon, aucune option qui satisfasse l’ensemble des données.

G : Oui, elle le dit clairement, voilà, que chaque position a ses problèmes ; c’est son idée.

F : Oui, et je trouve que c’est bien.

G : C’est tout à fait honnête de sa part de le reconnaître.

F :  Henri Blocher bien sûr, est connu pour une position qu’il a dévoilée dans « Révélation des origines », et en même temps sa compréhension de l’historicité d’Adam et Eve, je ne la connais pas exactement, j’en ai discuté avec d’autres qui ne savaient pas exactement la préciser, et puis soulignons Matthieu Richelle qui est professeur d’Ancien Testament et vraiment un expert remarquable.

G : Oui, absolument.

F : Et son commentaire, autant que l’écrit, bien sûr, d’Henri Blocher, sont éclairants, il y a beaucoup de choses importantes et positives à tirer. Ceci dit, on est dans une volonté de ne pas considérer Adam et Eve comme ça a été la position classique du monde évangélique ou orthodoxe.

G : On va d’ailleurs beaucoup reparler d’Henri Blocher dont l’ouvrage est quand même fondateur, je pense, dans la réflexion sur la question en France, mais aussi de Matthieu Richelle qui en est le spécialiste, et on en reparlera, et vous verrez que souvent, on est d’accord avec leurs observations, mais on n’est pas forcément d’accord avec leurs présupposés et leurs conclusions. C’est assez drôle. Mais on va le voir tout au long de cette série de podcasts, vous le verrez.

F : Je termine ce parcours des personnalités et de leur compréhension avec la fac d’Aix qui traditionnellement a été beaucoup plus attachée à une lecture littérale de Genèse, notamment Paul Wells qui ne fait absolument aucun mystère de son attachement à un Adam et Eve historiques. On a correspondu sur l’écriture possible sur l’histoire de l’interprétation de Adam et Eve, finalement l’ouvrage, qui est un pavé de 400 pages extraordinaire, mais juste impossible à réaliser financièrement, ça aurait été très intéressant, mais ça montre à quel point il est attaché à cette perspective d’un Adam et Eve historiques.

G : Oui.

F : On va regarder un ensemble de positions tout au long de ces podcasts. Moi ce que je voudrais dire, et c’est plus une confession que je voudrais faire, c’est que j’ai pas mal évolué au fil du temps. J’ai dit que j’avais baigné dans le contexte d’un fondamentalisme assez littéraliste.

G : Oui, je crois qu’on est deux sur le sujet, on peut le dire franchement.

F : Oui, et même dans le contexte de mes études, j’ai fait un master à Master’s Seminary avec MacArthur donc les profs sont tous créationnistes, assez directs. Ensuite, j’ai été assez bluffé par Henri Blocher, Matthieu Richelle, tous ces écrits.

G : Il faut avouer qu’ils sont forts, on ne peut pas lire leurs ouvrages sans être interpellés par leur raisonnement, ça c’est clair.

F : Et puis il y a de très très belles choses, je crois, qui sont très très proches du texte et très importantes à considérer. Je suis intéressé par ces questions, je suis un avide auditeur de William Lencraig, qui n’est pas littéraliste pour un sou.

G : Disons qu’il l’était, mais qu’un souci apologétique l’a d’abord rendu silencieux puis l’a écarté de ce positionnement.

F : D’accord. Mais aujourd’hui, je crois que je suis arrivé à une conclusion assez ferme sur un Adam et Eve historiques et uniques parents de l’espèce humaine.

Et je pense que c’est une chose qu’on voudrait évoquer : pourquoi on croit cela ? Je vois que c’est ta position également.

G : Absolument, moi j’ai le même parcours que toi, au fond. La seule différence, c’est que dans mes études à Southwestern, qui était une fac historiquement conservatrice, les vieux de la vieille étaient  plutôt, je dirais, conservateurs créationnistes littéraux, puis la plupart des professeurs de l’Ancien Testament acceptaient des conclusions d’Henri Blocher et de Matthieu Richelle. C’était assez paradoxal, en fait. On sent que, en fonction des disciplines, les systématiciens étaient plutôt créationnistes terre jeune, et puis ceux qui étudiaient les textes de l’Ancien Testament – donc moi c’est ma spécialité, l’Ancien Testament – avaient tendance à bouger un peu plus vers une forme d’évolutionnisme théiste. Alors, j’ai la même position que toi, tout en ayant mis de l’eau dans mon vin à bien des égards, mais je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler.

Qu’est-ce qui t’a convaincu, toi, de rester attaché, après avoir évolué autant et après avoir été autant influencé par les théologiens francophones majeurs en la matière ?

F : Alors il y a eu plusieurs effets.

D’abord, il y a eu un effet domino qui m’a saisi lorsque j’ai lu « Adam, qui es-tu ? ». Pour la première fois de ma vie chrétienne, plus de 30 ans, quand j’ai lu ce livre, j’ai eu un flash qui m’a dit : « mais finalement, et si tout ce que dit la Bible était faux ? » Enfin c’était terrible, parce que le propos … Ce n’est pas l’intention des auteurs ; certains, je les connais bien, ce sont des chers frères, mais  à un moment donné, on se dit : mais finalement, on est en train de faire quelque chose d’abracadabrant pour essayer de faire tenir le récit biblique dans une logique qui lui est en fait totalement étrangère.

G : C’est extrêmement troublant. J’ai lu le livre moi-même cet été, c’était assez troublant oui.

F : Et  je me suis dit : ouah, c’est quand même intéressant de le noter. Il y a un effet domino sur un ensemble du reste de l’écriture. Deuxièmement, les relations intertextuelles, on va en reparler : comment le Nouveau Testament se fait l’écho de ce texte fondateur, de Genèse 1 à 3 ; ça va être important. Et je suppose que si on va dans ce sens, du rejet de la lecture relativement directe de Genèse, notamment sur Adam et Eve, beaucoup de choses du Nouveau Testament se perdent. Troisièmement, les arguments historiques : j’avoue avoir été très enchanté, surpris, de ce livre de William Van Dodewaard, professeur réformé d’histoire de l’église.

G : Oui, c’était le passage le plus difficile de ce podcast, c’était de dire le nom de Van Dodewaard, tu vois.

F : Professeur occasionnel à Princeton, c’est pas le moindre des benêts …

G : Oui, et puis même, c’est pas la faculté la plus conservatrice, Princeton, on peut le dire aujourd’hui.

F : Pas du tout, et il sort un livre : «  The quest for the historical Adam, Genesis, Hermeneutics and Human Origins » et j’ai été vraiment interpelé par le fait que l’émergence de théories autres que l’origine humaine issue de Adam et Eve n’a rien à voir avec la science. On reviendra dans d’autres podcasts là-dessus, mais l’histoire de race préadamique, ou en dehors d’Adam, c’était quelque chose qui ayant été formulé …

G : Ce sont des théories préscientifiques.

F : Ce sont des théories préscientifiques, et j’ai trouvé ça fascinant, parce que ça veut dire que les idées ont circulé par opposition à Genèse, et tout au long de l’histoire de l’église, l’église orthodoxe (dans le sens : attaché à l’Ecriture) a toujours défendu une position très ferme sur l’historicité d’Adam et Eve. Enfin, il existe maintenant, et c’est un temps heureux, je trouve, des alternatives qui sont en train d’émerger.

J’ai apprécié le récent ouvrage de Michael Denton, non pas celui de 1985 : « L’évolution, une théorie en crise », mais son suivi, son ouvrage revu et corrigé, qui date de l’année passée, 2016 ; moi je le trouve remarquable. Je ne suis pas scientifique, donc je ne peux pas en mesurer la valeur, mais la manière dont les autres l’ont mesuré nous dit beaucoup sur les présuppositions qui font qu’on ne voit qu’un système aujourd’hui.

Et je pense qu’il existe  aujourd’hui la possibilité de voir l’origine de la vie un petit peu différemment. Enfin, et c’est le dernier argument, je trouve que malgré la manière dont on les vilipende, certains créationnistes scientifiques ont fait du bon boulot, et ça mérite d’être écouté. Et le fait qu’ils ne le soient pas toujours, ou qu’ils soient minimisés comme des clowns, systématiquement, reflète, je pense, une démarche qui est précisément non scientifique. Parce que les pairs ne veulent pas considérer le travail de Nathaniel Johnson qui a un doctorat de Harvard, je me dis, on n’est probablement pas dans l’examen des faits, mais dans l’examen d’une défense d’un système. Pour l’ensemble de ces raisons, finalement, dans ma petite tête, je me suis dit : je suis plus à l’aise avec une lecture littérale d’Adam et Eve ; et voilà le premier podcast !

G : Oui, c’est sûr.

Alors, merci beaucoup Florent pour ces précisions. On a aussi noté un truc vraiment intéressant sur Benjamin Warfield, c’est qu’il a d’abord accepté la théorie de l’évolution juste après la publication des Fundamentals, on en reparlera sûrement, mais qu’il a finalement rejetés à la fin. Vous allez voir que parfois, quand on cite des spécialistes, on a l’impression que des fois ils sont dans un camp, puis dans l’autre, mais les gens ont évolué dans leur positionnement, un petit peu comme nous deux. Aujourd’hui on donne un podcast à date avec nos convictions ; je pense qu’elles sont quand même assez fermes aujourd’hui. J’espère qu’on restera attachés à une position claire, mais il est vrai qu’on est prêts à entendre les arguments des autres et une réponse à nos podcasts sera toujours la bienvenue.

F : Absolument.

G : Donc merci beaucoup, et on vous donne rendez-vous très bientôt, la semaine prochaine, pour un nouvel épisode. A bientôt !