Les dénominations chrétiennes et les églises karpotiennes (1/2)

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Les églises se sont qualifiées différemment au fil du temps. Leurs noms reflètent des origines, des fonctionnements ou des ambitions différentes. Dans ce premier article, je regarde quelques noms d’église et leur sens original. Dans le second, je parlerai de ces mystérieuses églises karpotiennes…

Catholique ?

L’Église s’est dite « catholique » (litt. universelle) par opposition aux dissidences, nombreuses, qui menaçaient la doctrine apostolique. Ainsi, Ignace d’Antioche écrit à l’Église de Smyrne :

Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique. Il n’est pas permis en dehors de l’évêque ni de baptiser, ni de faire l’agape, mais tout ce qu’il approuve, cela est agréable à Dieu aussi. Ainsi tout ce qui se fait sera sûr et légitime (Smyrn, 8.1-2)

On voit que cet adjectif s’est formulé dans l’idée d’identifier l’Église fidèle. Le Martyr de Polycarpe (courrier de l’Église de Smyrne à celle de Philomélion, 155-160 ap. J.-C.) commence ainsi :

L’Église de Dieu qui réside à Smyrne à l’Église de Dieu qui est à Philomélion et à toutes les communautés que l’Église sainte et universelle a partout établies. Que Dieu notre Père et notre Seigneur Jésus-Christ vous remplissent de miséricorde, de paix et d’amour [1]

Ce qualificatif va coller. Pour les distinguer les Églises schismatiques, on parlera dès lors de l’Église universelle (catholique). Aujourd’hui, c’est le nom officiel de l’Église Catholique, gouvernée de Rome par le pape et ses évêques Elle est aussi diverse que les autres mouvements de la chrétienté mais se présente comme une seule institution[2].

Orthodoxe ?

Les Églises occidentales et orientales s’en référaient respectivement à Rome et à Constantinople. Au fil du temps, des différences théologiques[3] – et une bataille de pouvoir[4] – ont conduit à un éloignement progressif de ces deux grands centres de la chrétienté. L’année 1054 ap. J-C correspond traditionnellement à la rupture définitive entre l’Église de Rome et l’Église de Constantinople. L’Église orientale se qualifie d’Orthodoxe, c’est-à-dire de « droiture doctrinale ». Elle se veut fidèle aux 7 grands conciles œcuméniques et prétend avoir gardé intacts les rites cultuels immuables depuis le temps des apôtres.

Les Évangéliques utilisent également le terme d’orthodoxe ou d’orthodoxie, non dans ce sens historique, mais plutôt pour désigner la conformité d’une doctrine à l’enseignement de la Bible, tel qu’il est majoritairement reconnu parmi les ténors de la théologie[5].

Protestante ?

Luther, prêtre Catholique, comprend dans l’Écriture que le salut ne s’achète pas : ni par les sacrements, ni par les œuvres et encore moins par les indulgences. Ses idées se répandent et Charles Quint, l’empereur allemand, tolère cet enseignement. Puis il fait volte-face et exige la fidélité à l’Église Catholique Romaine. Cinq princes et quatorze villes présentent à la Diète de Spire (1529) un document portant le terme ‘Protestatio’, une affirmation ferme des vérités théologiques émises par Luther, et que développera Calvin.

Plusieurs valeurs centrales caractérisent la théologie protestante : (1) la Bible seule fait autorité, et non la tradition ; (2) la foi seule permet la justification, et non la religion ou les sacrements ; (3) Christ est seul médiateur ou intermédiaire, et non le clergé ou les prêtres ; (4) La grâce seule est à l’origine du salut, et non les œuvres des hommes ; (5) Dieu seul mérite la gloire et l’attention, et non les saints.

Évangélique ?

Les évangéliques sont un développement concomitant et postérieur de la Réforme (avec au début les anabaptistes, (litt. « deuxième baptême ») quolibet qui désigne ceux qui se faisaient baptiser en tant qu’adulte après leur conversion. Comme ils avaient déjà été baptisés enfants, en tant que Catholiques ou Protestants, on les désignait par cette pratique du baptême. Le tronc commun de la compréhension évangélique est défini par le CNEF :

  • Le caractère normatif de la Bible : pour la foi évangélique, la Bible est la Parole de Dieu. Révélée aux auteurs humains par le Saint-Esprit, elle fait autorité pour la vie et la foi du croyant. C’est pourquoi elle est considérée comme normative sur les plans théologique et pratique.
  • L’importance d’une conversion personnelle : pour la foi évangélique, on ne naît pas chrétien, on le devient par choix personnel et engagement individuel. On parle alors de conversion individuelle et délibérée à Jésus-Christ ou encore de nouvelle naissance par référence à une parole de Jésus (La Bible : Évangile selon Jean, chapitre 3, versets 3 et 7). C’est ce qui explique l’importance généralement accordée au baptême des croyants (par opposition au baptême des enfants), administré seulement à des personnes en âge d’exprimer publiquement leur foi.
  • L’universalité du message de l’Évangile : pour les chrétiens évangéliques, celui-ci concerne tous les hommes. Ils estiment de leur responsabilité de le faire connaître autour d’eux, tout en respectant la liberté de chacun. Leur souhait est que tous aient l’occasion d’entendre le message de l’Évangile et puissent choisir en toute connaissance de cause d’accueillir ou de refuser le salut offert en Jésus-Christ. Désireux d’obéir à l’ordre du Christ de « faire de toutes les nations des disciples » (La Bible : Évangile de Matthieu, chapitre 28, verset 19), les évangéliques consacrent beaucoup de temps et de moyens à répandre l’Évangile autour d’eux et à travers le monde.[6]

J’ajoute une valeur fréquente à ce triptyque, l’autonomie de l’Église locale. Il y a rarement de structures hiérarchiques au-dessus d’une Église locale (comme c’est le cas de l’Église presbytérienne par exemple), même si le groupement en fédérations permet une influence bienfaisante qui limite la dérive sectaire (heureusement rare, mais possible).

Le prochain article prolongera cette description des églises évangéliques.


[1] http://www.patristique.org/Recit-du-martyre-de-saint.html

[2] Le fossé est immense entre les mouvements du renouveau charismatique et les mouvances traditionalistes.

[3] Sur la date de célébration de la Pâque (dès le 2e s.), la controverse arienne (4e s.), le célibat des prêtres, la clause du Filioque, la controverse iconoclaste, l’utilisation de pain sans levain pour l’eucharistie.

[4] Déjà en 867 ap. J.-C. le pape Nicolas I avait tenté d’interférer dans la nomination du patriarche de Constantinople.

[5] Le théologien J. Grehsam Machen préférait se définir comme orthodoxe, dans ce sens là. Cf.  https://www.thegospelcoalition.org/blogs/evangelical-history/j-gresham-machen-didnt-like-term-evangelical/

[6] https://www.lecnef.org/page/445845-ce-qu-ils-croient

Florent Varak

Florent Varak est pasteur, auteur de plusieurs livres dont le Manuel du prédicateur, L’Évangile et le citoyen et la ressource d’évangélisation produite en co-édition avec TPSG: La grande histoire de la Bible. Florent est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux Églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes et mariés, ainsi que cinq petits-enfants. Il détient un M. Div de Master’s Seminary (Californie, USA) et un Master de recherche de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine.

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J. Meyer et Y. Ethier