Miracles, guérisons, et Marc 16 (1ère partie)

Textes difficilesMiracles

Beaucoup s’appuient sur Marc 16 pour soutenir que l’Église a reçu de Dieu l’autorité de guérir et de réaliser des miracles. Je ne crois pas que ce soit la bonne interprétation de Marc 16. Je crois que Dieu guérit quand il le souhaite et comme il le souhaite, notamment en réponse à la prière, parfois avec l’onction d’huile (1Jn 5.14-15; Jc 5.14-15) mais le mandat confié aux apôtres d’accomplir des miracles "au nom et à la place du Seigneur" (Mc 16.17s) est révolu (Ac 5.12-16; 2Co 12.12; Hé 2.3-4).

Ce document reprend la présentation que j’ai faite lors d’un débat avec un ami et théologien charismatique au Centre de Formation de Bienenberg, « Points chauds ».

Maladie

Du rhume au cancer, en passant par le sida ou le diabète, la maladie affecte tout le monde, directement ou indirectement. Elle génère un marché dédié à la guérison qui se chiffre en milliards d’euros chaque année. Le désarroi ou le désespoir qu’elle engendre suscite une autre forme de marché où la spiritualité n’est plus seulement source de réconfort, mais aussi source de promesse. Le chrétien doit guérir, puisque Jésus a porté nos maladies1. Mieux, l’Église doit guérir, car elle aurait reçu le mandat de le faire au nom du Seigneur2.

C’est sur ces deux points que se distinguent charismatiques et non-charismatiques, avec toutes les nuances propres à chaque mouvance. Je vous propose de commencer par une vidéo de David Théry (Topchrétien). Elle dure 5 minutes, et je voudrais que vous notiez (1) les points que vous trouvez bibliques; (2) ceux que vous trouvez non bibliques.

Parmi les points que je considère problématique, c’est cette affirmation que les chrétiens sont appelés à guérir. Qu’ils ont reçu l’autorité de guérir « au nom de Jésus ». Est-ce le cas?

Un conte de circulation routière

Imaginons un homme frustré de l’embouteillage qui le retarde. Il sort de sa voiture, et se plante au milieu de la route pour hurler des ordres aux automobilistes qui l’entourent. Je suppose que son initiative n’aura pas grand effet. Et si quelqu’un contestait sa présence, il ne pourrait se prévaloir d’une quelconque autorité pour agir ainsi. Toutefois, si l’homme en question était un policier en fonction, et qu’il sort de son véhicule en uniforme, il sera plus sérieusement obéi, car il tient son mandat de l’État qu’il représente, et peut agir en son nom.

Le lien avec le thème est simple: je soutiens que l’Église n’a aucun mandat pour guérir « au nom de Jésus-Christ », c’est-à-dire en son nom, en tant que son représentant, muni de son autorité. Toutefois, le chrétien a le privilège d’intercéder auprès du Père, grâce à la médiation accomplie de Jésus et de prier « au nom de Jésus », c’est-à-dire selon l’accès que Christ nous permet d’avoir au Père par la rédemption.

J’aimerais analyser cette notion selon laquelle nous avons la responsabilité de guérir… Le texte emblématique de cette perspective se trouve en Marc 16.

Le mandat de Marc 163 est apostolique

Les versets 15 à 16 formulent le mandat missionnaire commun aux Évangiles: prêcher la Bonne Nouvelle, associant le baptême à la foi. Puis les versets 17 à 18 relatent le mandat d’accomplir des miracles:

Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru: En mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris.

Il est difficile d’échapper au caractère absolu des propos de Jésus: aucune condition explicite, aucune limitation n’est envisagée pour « ceux qui auront cru ». Expulsion des démons, xénoglossie, immunité au venin et au poison, imposition des mains efficace associée de la promesse catégorique: « ceux-ci seront guéris ». C’est proprement époustouflant.

Est-ce que Dieu charge son Église de manifester de tels signes en Marc 16? Je réponds emphatiquement par la négative! En fait, tout dépend de la référence à « ceux qui auront cru ». Est-ce les personnes qui croient et se font baptiser (contexte immédiat) ou ceux qui croient parmi les apôtres que Jésus reprend pour leur incrédulité (contexte antérieur)?

Considérons le texte:

Je vous suggère que ce texte donne aux apôtres l’autorité de réaliser des miracles en son nom et place. Il ne mandate pas l’Église.

Le mandat de Marc 16 et les Actes des apôtres

Marc relate des événements qui ont eu lieu en l’an 30 apr. J.-C. Le livre des Actes continue l’histoire en couvrant le développement missionnaire de l’an 30 à 60 (approx.). Au cours de cette période, nous ne trouvons que deux catégories de personnes qui réalisent des miracles.

Tout d’abord les apôtres. Observez combien le texte précise les acteurs de ces miracles:

  • Actes 2.43: « La crainte s’emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de signes par les apôtres. »
  • Actes 5.12–16 est insurpassable par la magnitude et l’étendue des miracles des apôtres:

12Beaucoup de signes et de prodiges se faisaient au milieu du peuple par les mains des apôtres. Ils se tenaient tous d’un commun accord au portique de Salomon, 13et personne parmi les autres n’osait se joindre à eux; mais le peuple les louait hautement. 14Les multitudes d’hommes et de femmes qui croyaient au Seigneur augmentaient toujours plus. 15On apportait les malades dans les rues et on les plaçait sur des litières et des grabats, afin que, lors du passage de Pierre, son ombre au moins puisse couvrir l’un d’eux. 16La multitude accourait aussi des villes voisines de Jérusalem et apportait des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs; et tous étaient guéris.

  • Pierre signe de nombreux miracles (Ac 3.6, 4.16, 9.34, 40),
  • Paul également (Ac 14.10, 16.18, 19.11, 20.9-12, 28.3-9). Notez combien Paul a éradiqué la maladie de l’île de Malte… (cf. Ac 28.9)

La capacité de faire des miracles est la preuve par excellence de l’apostolat. C’est ainsi qu’en parle Paul en 2 Corinthiens 12.12:

Les signes distinctifs de l’apôtre ont été vus à l’œuvre au milieu de vous par une patience à toute épreuve, par des signes, des prodiges et des miracles.

Nous trouvons en Actes un second groupe de personnes capables de faire des miracles: Étienne (6.8) et Philippe (8.6). Les apôtres, débordés, ont fait nommer des suppléants. Leur imposition des mains faisait d’eux des plénipotentiaires. Ce n’est qu’avec ce mandat de les représenter, qu’ils purent réaliser des miracles1.

Le mandat de Marc 16 après les Actes (Hé 2.2-4)

Le livre des Actes est constant: seuls les apôtres et ceux qui les représentent réalisent des miracles. L’histoire racontée se termine autour de l’an 60 apr. J.-C. Quelques années plus tard, Hébreux est écrit, et affirme quelque chose de très similaire:

3comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut? Ce salut, annoncé à l’origine par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu, 4Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, des miracles variés et par des communications du Saint-Esprit selon sa volonté.

Hébreux 2.3-4

Ceux qui ont entendu ce salut, ce sont bien sûr les apôtres. La « confirmation » de ce salut, par toutes sortes de miracles, a été réalisée. L’utilisation de l’aoriste dans le texte grec n’est pas concluant en tant que tel, mais le verbe nous renvoie très exactement au dernier verset de Marc 16:

Et ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient.

Conclusion sur Marc 16

Ainsi, les apôtres ont bien accompli ce mandat particulier d’attester (« confirmer ») par les miracles le message de l’Évangile. Et leurs miracles étaient puissants.

Si vous croyez que Dieu fait des miracles aujourd’hui, assurez-vous d’une qualité équivalente aux miracles réalisés par Jésus et les apôtres. Leurs miracles avaient quatre caractéristiques que je considère comme emblématiques des miracles authentiques:

  • Premièrement, les miracles de Dieu et de ses représentants étaient incontestables. Même les adversaires du christianisme ne pouvaient nier la réalité d’une guérison (Cf. Ac 4.16). En d’autres termes, un miraculé n’a pas à craindre l’examen des docteurs et des sceptiques (cf. Jn 9.13-34).
  • Deuxièmement, les guérisons et les délivrances étaient instantanées et l’effet des commandements (« lève-toi et marche ») était immédiat2.
  • Troisièmement, les guérisons et délivrances du Christ et des apôtres étaient presque toujours collectives3.
  • Enfin, les guérisons étaient non-discriminatoires, c’est-à-dire qu’elles ne dépendaient pas du type de maladie4.

Ceux qui soutiennent que Dieu mandate l’Église à réaliser des miracles devraient s’imposer la validation de ces critères qui identifient précisément le « doigt de Dieu » par rapport aux pratiques des pseudo-guérisseurs5.

Par contraste, comparez ces deux citations, et réfléchissez à leur correspondance (la description des guérisons est-elle proche ou éloignée?):

David ressentit les sensations et la présence de l’Esprit saint ainsi que j’ai pu l’observer en des occasions similaires chez des cancéreux qui par la suite étaient guéris. Il sentit de la chaleur et un picotement, ce qu’il a lui-même décrit comme une « énergie » pénétrant son corps. (De nombreuses personnes emploient des termes comme « énergie » ou « électricité » pour décrire les sensations qu’elles éprouvent pendant la prière pour la guérison. Mais la puissance de guérison de Dieu n’est pas littéralement de l’énergie ou de l’électricité. Quand je prie pour les malades je ne recherche pas l’énergie ou l’électricité, je recherche Dieu.) […]

En général j’ai les mains qui picotent, elles sont chaudes et c’est comme si de l’électricité en sortait lorsque je prononce une parole d’autorité. J’en suis venu à associer des sensations comme un picotement ou de la chaleur avec une onction de l’Esprit saint sur moi pour la guérison. Une souffrance ou une chaleur dans mon corps, localisée là où la personne pour laquelle je prie souffre, sont d’autres sensations associées à une onction en vue de la guérison. Lorsque je prie pour cette personne, la douleur disparaît.6

Comparez maintenant à cette autre manifestation de guérison:

Dans notre groupe, chacun se retrouve avec joie. Une musique de méditation, enregistrée, est jouée afin que le silence s’établisse, surtout le silence intérieur qui permet à chacun d’éliminer ses propres soucis, pour entrer en communion avec tous. Ensuite, c’est la méditation silencieuse pour accorder nos pensées, puis un médecin du groupe fait une lecture pour préparer le malade à ce qu’il va recevoir; enfin, c’est la chaîne de prières où chacun donne la main à ses voisins pendant que les soignants officient, dans le silence total. Beaucoup de médecins du groupe ont reçu le don de magnétisme et peuvent soigner spirituellement.

La concentration est si forte qu’un jour un malade, assis sur un simple tabouret de bois, s’est levé en hurlant qu’il avait « pris le courant ». Il a cru le tabouret électrifié!

Bien des malades ressentent des picotements, des bouffées de « chaleur électrique »7

Ces deux expériences sont assez similaires. Mais comme les références l’indiquent, la première provient d’un pasteur évangélique (John Wimber) et l’autre d’une femme engagée dans des guérisons magnétiques.

Il nous faut exiger le label qualitatif distinctif de l’Écriture!

Il me semble assez facile de conclure que Marc 16 mandate les apôtres à réaliser des miracles. Ceux-ci s’en acquittent avec brio tout au long des Actes, donnant à quelques-uns une autorité similaire. Après les Actes, les auteurs postérieurs concluront que le travail de confirmation a été accompli (Hé 2.3-4), et Pierre parlera quelques années plus tard de deux grandes catégories de dons spirituels qui accompagneront l’Église: parler et servir (1P 4.10-11).

Que faire donc dans la maladie? L’Écriture ne nous laisse pas en reste. Ce sera l’objet du prochain article

  1. Nous aborderons la question plus tard.
  2. Voir la position John Wimber et Kevin Springer, Allez, guérissez, Menor, 1989. Ou David Théry, Guérir les malades. C’est la position de l’Église de Bethel, Bill Johnson.
  3. Je n’aborde pas la question textuelle qui considère généralement que l’Évangile de Marc se termine au verset 8 (position de F. Bassin, F. Horton et A. Kuen Introduction au Nouveau Testament, Saint-Légier (Suisse): Éditions Emmaüs, 1990, p. 219). Je pense que les versets 9 à 20 reflètent au moins une compréhension traditionnelle de l’Église primitive.



1. Peut-être l’une des raisons qui explique pourquoi la liste des dons spirituels de Rm 12 ne contient aucun don miraculeux, et que Paul souhaitent leur rendre visite pour leur « communiquer quelque don spirituel » (Rm 1.11).
2. Dans chacun des versets qui suivent, nous trouvons l’expression « aussitôt », ou encore « immédiatement »: Mt 8.3; Mt 20.34; Mt 21.19-21; Mc 1.31; Mc 2.12; Mc 5.29; Mc 5.42; Mc 7.35; Mc 10.52; Lc 1.64; Lc 4.39; Lc 5.13; Lc 5.25; Lc 8.44-47; Lc 8.55; Lc 13.13; Lc 18.43; Jn 5.9; Jn 9.18; Jn 9.34; Ac 3.7; Ac 5.10; Ac 9.18; Ac 13.11; Ac 16.26.
3. Il existe des cas isolés où ils ne guérirent que peu ou pas de monde. Mais les passages montrant que tous étaient guéris abondent: Mt 4.24; 8.16; 9.35; 10.1; 12.15; 14.14; 14.36; 15.30-31; Mc 3.10; 6.56; Lc 4.40; Lc 5.17; 6.10; 6.19; 9.1; Ac 3.16; 5.16; 10.38 etc.! À Jérusalem, Pierre guérit tous les malades qu’on lui amenait (Ac 5.15-16). Après le passage de Paul à Malte, il n’y avait plus de malades sur l’île (Ac 28.9).
4. Lorsque Dieu voulait guérir, il guérissait toute maladie: Mt 4.23; 8.16; 9.35; 10.1; 10.12-15; 14.35 etc.
5. En référence à la réalisation des magiciens égyptiens de la supériorité des miracles de Dieu (Ex 8.15). Les samaritains ont conclu de manière similaire après comparaison des miracles de Simon et de Pierre (Ac 8.5-13).
6. John Wimber & Kevin Springer, Allez… guérissez, p. 14, 217
7. Maguy Lebrun, Médecins du ciel, médecins de la terre, (Paris: Robert Laffont, 1987), pp. 333-334

Florent Varak

Florent Varak est pasteur, auteur de plusieurs livres dont le Manuel du prédicateur, L’Évangile et le citoyen et la ressource d’évangélisation produite en co-édition avec TPSG: La grande histoire de la Bible. Florent est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux Églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes et mariés, ainsi que cinq petits-enfants. Il détient un M. Div de Master’s Seminary (Californie, USA) et un Master de recherche de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine.

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S. Kapitaniuk