Pour cet épisode, Florent reçoit David Brown, auteur de nombreux livres et enseignant spécialisé dans la revitalisation des Églises. Collaborateur, ami et pasteur, David partage son expertise basée sur une décennie d'expérience dans la revitalisation d'une Église à Paris. Ensemble, ils explorent la nécessité de revitaliser les Églises en stagnation, examinant les marqueurs d'une Église en bonne santé et présentant des axes concrets pour la mise en œuvre de ce processus.
Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible, une question à la fois.
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La question pour cet épisode est différente d'habitude, car c'est moi qui la pose, et je suis accompagné de David Brown.
David est un collègue, un ami, un frère qui travaille dans la région parisienne, et il est l'auteur de plusieurs livres. Il se spécialise, c'est un peu maintenant le monsieur revitalisation des Églises. J'ai beaucoup bénéficié de ce qu'il a enseigné sur le sujet, alors que moi-même j'apportais ce sujet dans un autre pays. Je me suis dit ce serait excellent que l'on ait un entretien ensemble sur la question de la revitalisation. Mais avant d'aller plus loin et d'entrer dans la matière, David, est-ce que tu pourrais te présenter?
D'accord, voilà. Bon, je suis pasteur avec l'Union d'Église perspective en région parisienne. Mon parcours était plutôt dans l'implantation des Églises. Mais depuis une dizaine d'années, j'étais dans la revitalisation d'une Église à Paris. En parallèle, pendant plusieurs années, j'étais secrétaire général des groupes bibliques universitaires. Et maintenant, parce que ce sujet de la revitalisation devient très important, j'ai un certain ministère au niveau européen, où j'ai pu accompagner des unions d'Église, faire des séminaires à ce sujet dans plusieurs pays. En fait, c'est une nécessité partout en Europe, et la nécessité c'est de trouver une façon européenne de le faire.
Oui, c'est ça, parce que j'ai vu que le sujet avait été débattu et abordé dans d'autres pays. Je crois que tu es le premier à écrire en français sur la question. Tu es l'auteur d'un livre que tu vas présenter, j'imagine. Et tu me disais avant que je parte justement enseigner sur ce sujet que tu estimais que probablement 50 % des Églises seraient dans le besoin d'une revitalisation. Bah, ça c'est le chiffre pour la France en tout cas. Aux États-Unis, ils vont jusqu'à dire 85 %. Ça, c'est les baptistes du Sud qui affirment cela. Nous avons fait beaucoup d'implantations au cours de ces dernières années. Donc, la revitalisation et l'implantation, c'est comme les deux ailes d'un avion, il faut les deux. Donc, en France, à peu près 50 %, dont une dizaine de pourcents serait même en danger de disparition. Que c'est vraiment important d'y arriver, parce que le but du KNF, c'est une pour 10 000. Donc, une Église pour 10 000. Et je me suis dit, voilà, si une Église disparaît pour chaque Église implantée, on n'arrivera jamais.
Oui, c'est ça. Alors, pourquoi la revitalisation serait nécessaire? Quels sont les marqueurs d'une Église qui a besoin d'être vitalisée?
Bah, jusqu'à là, on n'a pas les chiffres, que ça, c'est là où souvent les gens se rendent compte qu'il y a un besoin. Mais je pense que ça, c'est plus profond que ça. C'est parce que la société est en train de changer très, très rapidement en ce moment, depuis 20, 25 ans. Et il faut que nos Églises soient adaptées à cette situation, sinon on devient des Églises musées, où on n'a aucune connexion avec la population. Et en plus, ce qui est nécessaire dans ce processus, c'est que les chrétiens soient au courant de ce qui se passe. Et c'est aussi une façon de protéger les chrétiens et de les aider dans leur sanctification, donc ils savent vivre dans la société d'aujourd'hui.
Oui, je crois que on n'aime pas trop cette image, mais quand même, l'Église suit souvent les mêmes cycles que les entreprises, avec cet élan, cette expansion, ce plateau, et cette dégénérescence. Et on a de la peine à l'admettre quand on est dans une Église qui est à la fin de ce cycle et qui a besoin de revitalisation. Ouais, c'est biblique, oui, mais c'est justement ça, quand tu parles de cycle, on peut penser tout de suite à ceux qui connaissent l'Ancien Testament, au cycle des rois dans l'Ancien Testament où souvent Israël avait une certaine attachement à Dieu, puis des mauvais rois se succèdent les uns aux autres, jusqu'à ce qu'il y ait un moment de reprise de conscience et un nouveau roi qui fait des réformes. On peut appeler ça réveil, revitalisation, mais c'est un cycle. Et d'autant plus que tous les prophètes vont dans le même sens. Je pense par exemple à cette expression, pas circoncire simplement le corps, mais le cœur, ou changer le cœur de pierre en cœur de chair.
Donc, tout au long de l'Ancien Testament, on voit cela. Et peut-être une illustration qui occupe pas mal de pages de l'Ancien Testament, c'est le retour de l'exil. Le peuple avait été déporté, il fallait tout reconstruire, reconstruire la ville de Jérusalem, reconstruire les murailles. Donc, on a des livres entiers, Esdras, Néhémie, et les prophètes Aggée, Zacharie, Malachie, qui prophétisent à cette époque. C'était la reconstruction, la revitalisation, apporter une nouvelle vie au peuple. Et puis, dans le Nouveau Testament, on peut penser tout de suite à l'Apocalypse, les chapitres 2 et 3, les messages à cette Église d'Apocalypse où finalement, on lit des expressions telles que, par exemple, Éphèse, tu as abandonné ton premier amour, ou à Pergame, la nécessité de combattre contre l'erreur, à Thyatire, la nécessité de lutter contre le péché, la débauche, à Sardes, tu passes pour être vivant, tu es mort, Laodicée, tu es tiède, tu n'es ni froid ni bouillant. Alors, ça, je pense que toutes les Églises, tout au long de l'histoire, ont connu ces moments. Et c'est normal dans ce sens de devoir revenir toujours à ce qui est l'essentiel. Parce qu'on a tendance, comme tu dis, que ce soit dans tous les domaines de la vie, comme des entreprises, à connaître ses cycles.
Oui, je crois que par rapport à l'Église d'Éphèse, c'est vraisemblablement l'Église où on a une perspective la plus complète et globale sur son origine, son affermissement, son développement et son déclin. Et là, je crois qu'on a vraiment de façon très typique et emblématique cette notion de cycle, avec la nécessité d'une revitalisation. Je crois que c'est vraiment pertinent, donc l'assise biblique du thème que tu investis en ce moment est certaine. Donc, c'est chouette. Alors, on profite de ton expertise ici, en 20 minutes. Combien de temps ça te prend quand tu l'enseignes à l'Institut Biblique de Genève?
Eh ben, normalement, je fais un cycle de 14 heures. Voilà. Donc, il va falloir que les gens t'invitent pour en savoir plus. Donc, on est vraiment sur un apéro, la question de la revitalisation. Mais quel est le modèle d'une Église en bonne santé que tu proposes? C'est quoi le fondement ou la direction que tu proposes quand tu évoques ce thème?
Alors, Florent, je vais partager mon écran. Je pense que tu le vois maintenant. Cela est la vision d'une Église revitalisée. De plus en plus d'ailleurs, on préfère parler d'une Église en bonne santé plutôt que de revitaliser, parce que les gens ne comprennent pas forcément ce que ça veut dire. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'une Église en bonne santé? Dans le bandeau bleu, j'ai mis les quatre choses qui, pour moi, sont absolument essentielles si une Église doit être en bonne santé. Je dis, ce n'est pas une définition théologique, c'est une Église en bonne santé. D'abord et surtout, une Église axée sur l'Évangile. Parce que si on ne reste pas axés sur l'Évangile, comme Paul dit dans 1 Corinthiens 15, je vous ai transmis ce qui est absolument nécessaire pour votre salut. Et avec le temps, on peut, l'Église peut ne pas forcément le nier, l'Évangile, mais ne plus le mettre au centre de tout ce que fait l'Église, la louange, les prédications, et cetera. Deuxièmement, une Église en bonne santé, c'est un lieu qui permet aux chrétiens d'apprendre à aimer Dieu et à aimer les autres. Donc, ce sont les deux plus grands commandements selon Jésus lui-même. Donc, on pourrait ne pas remettre en question la priorité de cela. Et la quatrième chose, une Église qui prend en compte son contexte culturel. Parce qu'il faut être adapté à son contexte culturel à trois niveaux. Local, parce que c'est évident que l'Église, comme celle dont je suis le pasteur en région parisienne, n'aura pas le même format qu'une Église dans un village dans le Massif Central, par exemple. Et aussi, le contexte culturel national, parce que j'ai dit que je vais dans pas mal de pays. Il y a toute une contexte en France que l'on connaît, les guerres de religion, la laïcité, et cetera. Mais aussi, il y a le contexte profond européen, que l'on peut appeler postmoderne, post-vérité, post-chrétien. C'est-à-dire, on est dans une situation où le sécularisme est de plus en plus omniprésent. Et c'est dans ce contexte-là que l'on doit vivre une Église en bonne santé. Donc, dans ce sens, j'ai dit des fois les trois S. Il faut travailler sur le spirituel avec Dieu, sur le social, aimer les autres, que ce soit les chrétiens ou les personnes de notre entourage, ou le sociétal, c'est-à-dire notre contexte culturel.
Oui, merci. Et je crois que pour avoir voyagé également dans différents pays, je remarque combien les Églises s'arc-boutent sur leur forme, s'arc-boutent sur leur histoire ou leur passé, s'arc-boutent parfois sur leur doctrine propre qui est légitime, mais qui devient malheureusement un écran qui masque l'Évangile. Et là, on a vraiment déraillé, la centralité de Christ, de l'Évangile, la centralité de l'amour de Dieu, l'amour des autres passe vite au second plan, malheureusement. Donc, je trouve très pertinent ce regard. Et dans le livre que tu as écrit, que tu as peut-être présenté tout à l'heure, il y a de très bonnes idées pour maintenir ou renouveler cet amour de Christ, cet amour de l'Évangile. Alors, je vois avant qu'on ferme ici, Église rassemblée, Église dispersée. Tu peux nous dire deux mots, et puis ensuite, oui, je veux dire deux mots, c'est-à-dire, comment mettre en pratique cela dans notre monde d'aujourd'hui?
C'est de retrouver cette doctrine classique que l'Église est rassemblée et l'Église est dispersée. Et en fait, on est ensemble que 3 % du temps maximum. Et c'est là où, en fait, on va s'édifier, apprendre, comme je dis, à aimer Dieu, aimer les autres, comprendre le monde dans lequel on se trouve, être formé pour bien vivre dans l'Église dispersée. Donc, c'est-à-dire, être sel et lumière auprès de notre entourage. Ou, comme je l'ai dit sur cette infographie, faire du bien et partager l'évangile dans nos quatre réseaux relationnels que nous avons tous. Famille, notre lieu de travail ou lieu d'étude, notre quartier, notre ville, et nos moments de loisirs et nos amis. Et c'est pour cela que l'on dit qu'on est une Église missionnaire. Parce que ça veut dire que les chrétiens sont envoyés dans le monde, dans ses réseaux, pour refléter Christ et pour partager l'évangile.
Super. Je te laisse peut-être fermer le partage d'écran. Mais là, c'est vraiment pertinent. Je crois que c'est ces trois axes que tu évoques sont aussi trois axes de travail relativement facile à mettre en place, les trois S. Donc, rappeler le développement spirituel, social, le sociétal. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur la mise en œuvre d'un processus de revitalisation?
Eh bien, dans un sens, je préfère "mise en œuvre" que "processus". Ok, tu as dit les deux mots. Parce que "processus" des fois, ça donne l'impression que, eh bien, qu'à faire ceci et cela, et 1, 2, 3, 4, et on a une Église revitalisée, ce qui n'est pas le cas. La mise en œuvre, donc, ça doit se faire sous le plan local. On va réfléchir, peut-être former une équipe pour le faire, consulter toute l'Église en se posant cette question: Comment on peut faire mieux? Donc, on ne va pas critiquer, on ne va pas faire des reproches, mais comment on peut faire mieux pour préparer les chrétiens pour vivre tout au long de la semaine? Pour tout dire, un sondage organisé par le KNF m'a fait froid au dos à un certain moment. C'était sur les chrétiens au travail. Et 85 % des personnes interrogées ont dit: "Je ne sais pas quoi dire quand mes collègues abordent un sujet d'actualité." Donc, ça, il faut que ce soit dans l'Église rassemblée qu'on prépare les gens, même pendant le culte. Moi, je j'insiste un petit peu. Donc, tout cela, c'est à discuter, à voir ensemble, à lire le livre, à regarder. J'ai du matériel sur un site aussi. Ou parle-nous.
Alors, présente-nous ton livre déjà. Alors, le livre qui est paru au mois de novembre de 2023, donc tout récemment, c'est publié par Exercer une Église en Bonne Santé. Donc, voilà, je vous le recommande. C'est pour aller plus loin. Et j'ai aussi un site qui s'appelle revitalisation.fr. En fait, c'est un site bilingue, français-anglais. Si on clique sur le drapeau tricolore, on tombe sur la partie en français. Donc, il y a pas mal de matériel aussi.
Ok, super. Alors, si jamais il y avait un pasteur qui se dit, "Voilà, j'ai notre Église a besoin", un pasteur, ou des anciens d'une Église se disent, "On a vraiment besoin de revitaliser notre vie d'Église", la première étape ce serait quoi pour toi?
Je pense que la première étape est déjà faite, c'est reconnaître que l'on a besoin. À partir de cela, je pense que la première chose, ce serait peut-être de bien regarder l'Église, de faire une sorte d'analyse. J'ai des questionnaires sur le site revitalisation.fr qui permettent parfois de le faire et de se dire, consultons l'Église, qu'est-ce qu'on peut commencer à faire? Donc, j'aime bien la notion de communauté d'apprentissage, où on met tout le monde à réfléchir, et on trouve les idées qui jaillissent dans le contexte de l'Église, avec les personnes qui sont là. C'est pour ça que c'est une mise en œuvre adaptée à son contexte local, et non pas quelque chose à suivre à la lettre.
Oui, c'est ça. Eh bien, écoute, c'est ça, je crois, permet à ceux qui nous écoutent de pouvoir faire un pas de plus dans cette revitalisation. Et pour emboîter le pas sur certaines des émissions qui ont été évoquées récemment, je crois qu'il y a toujours le besoin pour une Église de se réformer parce que nous sommes des créatures d'habitude, qui remplace parfois la vitalité de la relation. Je sais que l'un des mots que tu as utilisé, lorsqu'on a parlé un peu de la revitalisation et qui, je crois, est repris dans la traduction anglaise du livre, c'est de reconnecter et de maintenir vive cette connexion au Seigneur, cette connexion à celui qui nous a sauvé, vivre cette connexion aussi à la parole, c'est vraiment un enjeu. Et ce n'est pas si évident que ça. Donc, les outils que tu nous proposes le permettent. Donc, un grand merci, David, d'avoir accepté de répondre à mes questions sur cette émission. Et puis, j'espère que ce sera l'occasion pour tous ceux qui nous écoutent de se procurer le livre, de réfléchir sans critiquer l'Église dans laquelle vous êtes, en disant "On a besoin de..." mais plutôt d'en faire un sujet de prière et de réfléchir à soi-même sur son propre parcours de revitalisation de cœur. Et pourquoi pas, qu'il y ait une réflexion qui soit ouverte au sein du leadership de l'Église, sans division, dans l'unité, pour réfléchir au chemin qui pourrait être mené. Voilà, merci, merci Florent.