Un pasteur vous répond

Que penser de l'ironie? (Épisode 80)

ÉthiqueRessources

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Publié le

24 mai 2017

Dans l'épisode 80, Florent Varak aborde la question de l'ironie sous un angle biblique. Est-elle mauvaise en soi ou y en a-t-il une bonne et une mauvaise? Il répond bible en main.

Un pasteur vous répond: le podcast de Florent Varak qui t’aide à mieux comprendre la Bible une question à la fois.

Si tu as une question adressée à Florent Varak, commence par consulter la liste des podcasts existants ici et si le sujet n’a pas encore été traité, tu peux poser ta question à l’adresse: contact@toutpoursagloire.com.

Transcription :

« Cette transcription vous est proposée par les bénévoles de Toutpoursagloire.com. Nous cherchons à garder le style oral des épisodes pour ne pas déformer les propos des intervenants. De même, nous rappelons que ces transcriptions sont une aide mais que les paroles de l’auteur (podcast et vidéo) restent la référence. Cependant, n’hésitez pas à nous signaler toutes erreurs ou incohérences dans cette transcription. Vous pouvez aussi en savoir plus ici pour rejoindre notre équipe de transcripteurs. Merci d’avance. »

La question est posée : que penser de l’ironie ? Est-elle mauvaise en soi ou y en a-t-il une bonne et une mauvaise ? Merci à vous.

La question est originale. Merci de l’avoir posée. On va lire la définition de l’ironie avant de regarder comment la Bible l’emploie et puis j’essaierai de donner quelques conseils sur son maniement pour aujourd’hui.

J’ai trouvé sur le site  etudes-litteraires.com la définition suivante de l’ironie : “L’ironie est un procédé de style qui consiste à affirmer le contraire de ce que l’on veut faire entendre dans le but de railler. Il y a donc, dans un énoncé ironique, un décalage entre ce qui est dit et ce qu’il faut comprendre. L’ironie permet de ridiculiser, de tourner en dérision quelqu’un ou quelque chose, et peut aussi avoir une fonction didactique (par exemple en incitant le lecteur à réfléchir et à modifier sa manière de penser)”. Fin de citation.

Le site mentionne différents procédés d’ironie : l’antiphrase, l’hyperbole, l’emphase, la litote, la prétérition, la parodie, ou encore l’utilisation d’un lexique inadapté au sujet abordé mais je te laisserai regarder cela sur leur site directement si tu veux plus de détails sur ces procédés.

Dans la définition qui nous est donnée, le but est forcément de railler. Or il me semble, et ceci est noté à la fin de cette définition, que l’ironie peut avoir une fonction pédagogique; c’est d’ailleurs souvent comme cela qu’on a des propos ironiques dans l’Écriture. Il faut bien comprendre que cette ironie est, en quelque sorte, une forme d’ignorance feinte. Soit parce qu’une parole suggère l’inverse de ce qui est dit, soit parce que la situation, au regard d’un observateur ou d’un lecteur, est différente de la manière dont elle a lieu. Il s’opère donc une prise de conscience de la réalité par un contraste ou par une chute surprenante qui modifie la donne.

Dans la Bible, on trouve pas  mal d’exemples d’ironies. Ce procédé littéraire est assez souvent utilisé. Le plus classique, c’est peut-être celui auquel tu as pensé en entendant la question de ce podcast, nous vient du prophète Élie qui se moque des faux-prophètes. Pour le coup, c’est vraiment une raillerie. Les faux prophètes interpellent Baal, dieu du feu, dieu du tonnerre, ce qui est assez amusant quand on connaît la suite du chapitre 18 de 1 Rois. Tout l’événement est décrit comme  une sorte de lutte entre d’un côté Baal et les faux prophètes qui adorent, vénèrent et en appellent à l’intervention de leur faux dieu, et de l’autre côté Élie, le prophète du vrai Dieu, qui attend l’intervention de l’Éternel, lequel va répondre de façon spectaculaire. Les faux prophètes de Baal tentent de convaincre leur dieu d’agir, d’intervenir en envoyant le feu du ciel et, comme cela ne marche pas, ils continuent leurs suppliques, se lacèrent, se coupent la peau et opèrent toute une série de rites assez terribles pour que leur dieu réponde mais en vain. Vers midi, 1 Rois 18.27 nous dit que Élie se moque d’eux. Je lis: « Vers midi, Élie se moqua d’eux et leur dit : Criez plus fort ! Puisqu’il est dieu, il doit être plongé dans ses réflexions, ou il a dû s’absenter ou bien il est en voyage ! Ou peut-être dort-il et faut-il le réveiller. » Et là, comme tu le ressens, Élie joue à fond la carte de la raillerie, de l’ironie, pour essayer de leur faire prendre conscience que, en fait, ils parlent à un faux dieu, c’est-à-dire à un dieu qui n’existe pas et qu’ils auront beau faire tout ce qu’ils voudront, cela ne marchera pas. Dans l’une de ses expressions, Élie utilise un euphémisme, insinuant probablement que Dieu est peut-être aux toilettes, ce qui est d’autant plus moqueur et ironique.

Mais on a d’autres exemples dans la Bible. On voit Mikal, la femme de David, qui est très ironique à l’égard de son mari. David vient de danser avec enthousiasme devant l’arche et, dans 2 Samuel 6.20 on lit : « David rentra chez lui pour bénir sa maisonnée. Alors, Mikal, fille de Saül, sortit à sa rencontre et s’exclama : Ah, vraiment, le roi d’Israël s’est couvert d’honneurs aujourd’hui ! Il s’est exhibé à demi-nu aux servantes de ses serviteurs comme aurait pu le faire un homme de rien. » Là, vraiment, ce dut être la douche froide pour David qui venait de manifester sa joie de connaître l’Éternel, de le servir, en dansant devant lui pour manifester, je pense, toute la ferveur de son cœur bouillant pour le Seigneur. Et voilà que sa femme est pleine d’ironie: « Ah, tu t’es couvert d’honneurs aujourd’hui »;  bien entendu, de sa perspective, elle pensait l’inverse.

On peut lire un autre exemple dans Ésaïe 44.12-19. Le prophète s’amuse de ceux qui prennent un morceau de bois et le coupent en deux pour faire avec la moitié de ce bois quelque chose d’utile, et avec l’autre moitié une idole qui va être un peu leur dieu. Le texte est succulent, on va lire seulement les versets 12 à 17 mais vraiment, je t’encourage à découvrir tout le reste, c’est un chapitre très amusant. Dieu parle à travers ce prophète et dit, à propos de cet idolâtre: « Il a coupé des cèdres ou bien il s’est choisi du cyprès ou du chêne qu’il a laissé devenir bien robuste parmi les arbres des forêts ou bien il prend un pin qu’il a planté lui-même que la pluie a fait croître. Or l’homme se sert de ces bois pour les brûler, il en prend une part pour se chauffer, il allume le feu pour y cuire son pain. Avec le même bois, il fait un dieu et il l’adore, il fabrique une idole et se prosterne devant elle. La moitié de ce bois, il l’a livré au feu et grâce à cette moitié, il mange la viande, il fait cuire un rôti et il s’en rassasie. Il prend aussi une part de ce bois pour se chauffer et il dit « qu’il fait bon avoir chaud et avoir la belle flamme ». Quant au reste du bois, il en fait une idole il la prend pour son dieu, il se prosterne devant elle et il l’adore, il l’invoque et il lui dit : « Délivre-moi car toi, tu es mon dieu ». » Fin de citation. Le contraste est criant entre l’utilisation réaliste, matérielle du bois, et puis cette utilisation totalement fumeuse, enfin, en quelque sorte. La fabrication d’une idole dont on attend qu’elle va nous délivrer des situations, c’est tout le procédé ironique qui est utilisé dans cette exclamation du prophète.

Job, qui souffre énormément, est entouré d’amis. Tiens, d’ailleurs, c’est déjà une ironie pour nous, lecteurs, car nous savons  qu’ils ne sont pas de vrais amis. Job ch16.2-3 nous le révèle et la manière dont Dieu parlera à ces hommes, à la fin du livre, montre qu’ils n’ont pas vraiment été des amis vis-à-vis de Job mais c’est une situation ironique pour le lecteur, bien entendu, qui connaît l’ensemble de l’histoire. Bref, ses amis lui expliquent pourquoi il souffre, sous-entendu à cause de son péché, et Job leur répond avec ironie au chapitre 12, verset 2 : « En vérité, à vous tout seuls, vous êtes tout le genre humain. Avec vous mourra la sagesse ».  Et, bien entendu, nous qui lisons ces versets, réalisons que Job dit cela en signifiant l’inverse: ils n’ont pas cette sagesse universelle qu’ils prétendent avoir.

On trouve un autre type d’ironie dans la Bible lorsque des dénouements s’opèrent dans un sens inverse à celui prévu par le personnage à l’initiative de la situation. Prenons l’exemple d’Haman, dans le livre d’Esther. Il installe une immense potence sur laquelle il espère pendre son ennemi. Il se rend au palais, convaincu qu’il sera élevé par le roi et pourra pendre son ennemi. Effectivement, il sera élevé par le roi… mais à sa propre potence! Il y a là toute une ironie de situation.

Un autre exemple d’ironie, cette fois-ci dans le Nouveau Testament, se trouve dans l’épître que l’apôtre Paul écrit aux Corinthiens. Elle est pétrie d’expressions ironiques à mon sens. Je peux citer 1 Corinthiens 4.7-14, peut-être la plus emblématique des ironies qu’utilise l’apôtre Paul pour faire passer son message. Il déclare, verset 4, je lis dans la version du Semeur. « Car qui te confère une distinction ? Qu’as-tu qui ne t’aie été donné ? Et puisqu’on t’a tout donné, pourquoi t’en vanter comme si tu ne l’avais pas reçu. Dès à présent vous êtes rassasiés, déjà vous voilà riches. Vous avez commencé à régner sans nous. Comme je voudrais que vous soyez effectivement en train de régner pour que nous soyons rois avec vous. Mais il me semble plutôt que Dieu nous a assigné à nous autres apôtres la dernière place comme à des condamnés à  mort car, comme eux, il nous a livrés en spectacle au monde entier, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous à cause du Christ mais vous vous êtes sages en Christ. Nous sommes faibles mais vous, vous êtes forts. Vous êtes honorés, nous, nous sommes méprisés.»  On pourrait continuer la lecture de tout ce passage, il montre toute l’ironie de cette situation où Paul est méprisé par les Corinthiens alors qu’il devrait être honoré par eux; les Corinthiens étaient orgueilleux au point de se croire au-dessus de Paul.

Jésus a également employé l’ironie lorsqu’il affirme:  « Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». Ce procédé ironique est utilisé pour choquer, pour faire réfléchir, pour susciter un réflexion.Mais l’ironie la plus marquante est peut-être celle qui touche la vie du Seigneur Jésus. Nombre de fois, il a fait l’objet d’une ironie que seuls les chrétiens ou les lecteurs, plus tard, pourraient comprendre. Par exemple, lorsque le sacrificateur dit qu’il vaut mieux qu’un seul meure pour le peuple, c’est très ironique parce que c’est exactement ce qui se passe. Mais dans la pensée du sacrificateur, ce n’est pas ce qui va se passer. On va éviter des troubles en mettant à mort un homme et puis on se débarrassera de son influence; mais le sacrificateur ne saisit pas qu’il y a une portée extraordinaire dans le sacrifice de Christ. Quand les soldats, et c’est une histoire tragique pour eux, se prosternent et se moquent de la royauté de Jésus, la situation est très ironique aussi. Imagine-toi ces hommes qui parlent de Jésus, s’adressent à lui « Roi des juifs ! »,  se prosternent devant lui, se moquent de sa royauté alors qu’en fait il est vraiment Roi! Et ces hommes auront le privilège distinct, s’ils ne se sont pas repentis, de s’être prosternés deux fois devant Jésus. La première fois, là, dans le jeu, et la seconde fois lorsqu’ils réaliseront avec horreur qu’ils se sont moqués de leur créateur.

Il y a une autre ironie encore dans la vie de Jésus ( il y en a plusieurs autres mais je ne veux pas les mentionner) qui, je trouve, est particulièrement parlante pour nous. Jésus prend la place de Barrabas, un chef de gang. Jésus meurt sur une croix en prenant la place d’un criminel. C’est ironique, n’est-ce pas ? D’abord parce que Jésus est absolument innocent de tout crime, alors c’est une ironie terrible, mais aussi parce que Jésus prend la place d’un criminel. Il aurait pu être crucifié comme ça, indépendamment de toute autre personne mais ce n’est pas le cas:  un criminel est relâché et Jésus prend sa place! C’est tout emblématique de l’évangile puisque Jésus prend la place des criminels, des criminels que nous sommes si nous reconnaissons qu’il est Celui qui prend nos fautes, que nous aurions dû être cloués à cette croix et qu’il a pris notre place; il est le Sauveur de Barrabas comme il est le Sauveur de tous les criminels qui réalisent qu’ils sont pécheurs et qu’ils ont besoin d’un substitut, qu’ils ont besoin de la grâce qui seule provient de Jésus-Christ. Donc, il y a beaucoup d’ironie dans cette situation. On pourrait multiplier les exemples, dans le procès de Christ etc. Tu pourras les repérer alors que tu lis avec attention l’évangile.

Alors, pouvons-nous être ironiques ? C’est la deuxième partie de ta question. Écoute, si la Bible se permet de l’être, je crois que ce n’est pas une forme de communication qu’il faut bannir ou exclure de notre registre. Mais il faut faire attention, parce qu’il faut veiller à toujours maintenir la gloire de Dieu devant nous et l’édification de ceux qui nous entourent. Cela doit vraiment être notre garde-fou lorsque nous employons l’ironie parce que sinon, on humilie, on se moque et l’humiliation n’est jamais un bon procédé pédagogique mais un procédé arrogant, orgueilleux qui va détruire celui à qui on parle.

Je trouve que l’ironie peut permettre de faire passer “une pilule” plus gentiment, notamment dans les communications entre parents et adolescents, encore une fois, si cela n’humilie pas. À de maintes reprises on a pu, je constate, dénouer des situations un petit peu tendues avec nos adolescents en usant d’une rhétorique ironique qui a permis de faire passer, par un lien affectif ou amical, par le biais de l’humour, quelque chose qui autrement aurait été difficile. Je pense que l’ironie permet une prise de conscience plus graduelle qu’une affirmation brutale. Je pense qu’elle permet aussi, par son côté illustratif, de rester plus fortement ancrée en nous et donc de nous instruire plus longuement. Enfin, l’ironie nous fait réfléchir par le second degré qu’elle évoque.

Je voudrais vraiment répéter, par contre, que si on l’emploie, cela doit être à l’image de ce que Colossiens 4.6 nous dit : «  Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce, assaisonnée de sel afin que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun ». L’ironie fait partie de cet assaisonnement salé que l’on doit savoir manier, mais que l’on doit savoir manier avec grâce et en adaptant le propos: en effet,  certaines personnes, en fonction de leur éducation, en fonction de la circonstance ou en fonction de leur personnalité et de leur sensibilité ne sauront pas accueillir un propos ironique sans se sentir humiliées, notamment si c’est en public et qu’elles ne peuvent pas répondre à la question …

Bien sûr, il faut savoir employer l’ironie; comme l’ironie est à la frontière de la raillerie ou utilise parfois la raillerie. Mais il faut savoir comment l’employer pour permettre l’édification, pour que l’autre comprenne. Toute communication devrait viser le bien de l’autre et non pas simplement nous permettre de nous décharger d’un trop plein. Voilà, j’espère avoir répondu à ta question sur l’emploi de l’ironie dans la communication et dans la Bible.